Salauds

Oh, qu'elle est indigne cette famille kosovare ou on ne sait même pas quoi.

Son dossier administratif est accablant, relève Libération et le Figaro n'a pas de mots assez durs, dans son éditorial d'hier, pour dénoncer et désigner à la vindicte publique les parents de cette jeune fille « généreusement logés, nourris et entretenus par la France depuis quatre ans, qui multiplient les provocations avec une acrimonie qui en dit long sur leur volonté d'intégration ».

 

Salauds de pauvres !

 

Car le bon pauvre, bien sûr, doit être irréprochable, poli, dire merci quand on lui donne quelques centaines d'euros d'aide sociale ou un croûton de pain. Le bon pauvre ne ment pas, il est dur à la peine, il est humble et baisse les yeux, respecte l'ordre et la morale.

Les riches en revanche, les très riches, s'ils mentent, exploitent leur prochain, trichent avec les impôts, pratiquent l'exil fiscal, c'est qu'ils sont poursuivis par la haine populaire, la frustration de tous ceux qui jalousent leur réussite comme le Figaro l’a si souvent remarqué.

 

À partir de combien de millions d'euros commence la compassion ?

 

 

Maurice ULRICH

LE BILLET DE MAURICE ULRICH - L'HUMANITE - - 22 Octobre 2013

 

http://www.humanite.fr/le-billet-de-maurice-ulrich/salauds-551614

Alfred Doolittle

 

Qu'est-ce que je suis, mes gouverneurs?

Je vous le demande, qu'est-ce que je suis ?

 

Je suis un de ces pauvres dits "non méritants" : voilà ce que je suis.

Pensez à ce que ça veut dire pour un homme.

Ca veut dire qu'il est tout le temps en chicane avec la moralité bourgeoise.

S'il y a quelque chose en train et que je me mets sur les rangs pour en ramasser un morceau, c'est toujours la même histoire :

"Vous n'êtes pas méritant ; c'est pas pour vous".

 

Pourtant j'en ai autant besoin que la veuve la plus méritante, qui en une semaine et pour la mort du même mari, touche de l'argent de sis œuvres de charités différentes.

Je n'ai pas moins de  besoins que quelqu'un de méritant : j'en ai plus.

Je ne mange pas avec moins d'appétit que lui.

Et je bois beaucoup plus.

J'ai besoin d'un brin de distraction, parce que je suis un homme qui pense.

Il me faut un peu de gaieté et de chanson et de flonflon, quand j'ai le cafard.

Et bien, pour tout, on me demande le même prix qu'on demande aux méritants, aux assistés.

 

Qu'est-ce que c'est que cette moralité bourgeoise ?

Rien qu'un prétexte pour jamais rien me donner.

 

Alors je vous le demande à vous, parce que vous êtes deux gentlemen, de ne pas jouer ce jeu là avec moi.

Je joue franc jeu avec vous. Je ne prétends pas être méritant. Je sui non méritant, et j'ai bien l'intention de continuer à ne pas être un assisté. J'y tiens; voilà la vérité.

 

Voulez vous profiter du caractère d'un homme pour lui escroquer le prix de sa propre fille qu'il a élevée, et nourrie , et habillée à la sueur de son front, jusqu'au jour où elle s'est trouvée assez grande pour devenir intéressante aux yeux de deux gentlemen tels que vous ?

Comment !

 

Je vous le demande, ce n'est pas raisonnable, cinq livres ?

A vous de décider ?

  

Pygmalion (1913)

Pygmalio est une pièce de théâtre du dramaturge et compositeur irlandais George Bernard Shaw. La pièce a été adapté de nombreuses fois, notamment la comédie musicale My Fair Lady et le film du même nom (1964), mais avec une critique sociale édulcorée.

 Alfred Doolittle est un des personnages.