Souad, femme battue

  

sans papiers,

 

enfin protégée

 

 LIBERATION - ALICE GÉRAUD - 29 JANVIER 2014

http://www.liberation.fr/societe/2014/01/29/souad-femme-battue-sans-papiers-enfin-protegee_976494

 

(Dessin Catel)

  

RÉCIT

Dans le cadre de la loi égalité entre les femmes et les hommes, un amendement a été voté pour les étrangères victimes de violences.

Mardi après-midi, à Paris, les députés votaient une modification législative visant à mieux protéger les étrangères victimes de violences conjugales.

 

Au même moment, à Alès, dans le Gard, sur le parking d’un supermarché, une jeune femme algérienne de 23 ans, était rouée de coups par le frère de son ex-mari, avant d’être transportée inconsciente à l’hôpital.

Hier, la jeune femme a pu aller porter plainte contre son agresseur.

 

Depuis 2012, Souad avait déposé neuf mains courantes et quatre précédentes plaintes contre son mari et des membres de sa belle-famille.

Malgré les certificats médicaux, les photos édifiantes, les témoignages qu’elle a fournis, aucune des plaintes de Souad n’avait donné lieu à des poursuites, ni même à aucune enquête.

 

Jusqu’à aujourd’hui semble-t-il, puisque son agresseur devait être entendu hier soir par les policiers.

 

ESCLAVE.

Mariée en 2010 à un cousin français, la jeune femme a vécu un calvaire depuis son arrivée en France, isolée, battue et traitée comme une esclave.

Un soir, le mari l’a mise dehors, elle a trouvé refuge chez une voisine. Il a demandé le divorce.

Le 26 novembre, Souad a reçu de la préfecture du Gard, une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF).

La préfecture avait simplement constaté qu’elle n’était pas à l’origine de la rupture de vie commune et estimé que les violences n’étaient pas avérées, aucune poursuite ni ordonnance de protection n’ayant été prise contre elle.

 

En décembre, alertés par RESF, Libération et le Midi libre avaient raconté l’histoire de Souad et de deux autres femmes de ce département s’étant retrouvées dans des situations comparables. Femmes victimes de violences conjugales ayant perdu leurs droits au séjour avec la rupture de la vie commune.

Le 20 décembre, lendemain de la parution de l’article de Libération, la préfecture du Gard annonçait la régularisation de l’une d’entre elles.

 

Pour Souad, elle expliquait que son dossier serait réexaminé si elle apportait des «éléments complémentaires pour établir la matérialité des faits dont elle s’estime victime».

Ce qu’elle a fait. «On n’a jamais réussi à avoir de nouvelles de la préfecture», explique Daniel Angot, militant de RESF qui suit depuis deux ans ces dossiers dans le Gard.

 

La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, avait également alors fait savoir qu’elle souhaitait porter une attention particulière à la situation de ces femmes.

«J’ai demandé à mes services de me faire remonter un point précis sur le sujet.

Nos équipes se sont beaucoup mobilisées pour suivre les dossiers les plus sensibles.

C’est notamment le cas dans le Gard », explique la ministre à Libération.

 

«DOUBLE PEINE».

L’adoption d’un amendement sur ce sujet dans la loi égalité femmes-hommes votée mardi constitue une avancée importante.

Jusqu’ici, un homme violent marié à une étrangère

pouvait en effet jouer sur elle d’un chantage aux papiers.

«Il y avait une forme de double peine pour ces femmes», résume Catherine Coutelle, la députée socialiste auteure de l’amendement.

En prenant lui-même l’initiative du divorce dès qu’elle portait plainte ou menaçait de le faire, le mari violent avait potentiellement le pouvoir de bloquer son droit au renouvellement du titre de séjour.

La loi considérant qu’une femme étrangère victime de violences conjugales doit être à l’origine de la rupture de vie commune pour faire valoir ses droits.

 

C’est du moins l’interprétation qu’en faisaient de nombreux préfets et tribunaux.

«Nous devions donc clarifier les choses pour que le droit à une autorisation de séjour s’applique, quelles que soient les conditions de la rupture de la vie commune»,

explique Najat Vallaud-Belkacem.

 

Hier soir, la ministre a demandé au préfet du Gard de suspendre l’OQTF de Souad et de veiller à ce que des mesures de protection soient prises pour elle.