UNE JUSTICE EXPEDITIVE
« Sécuriser le parcours des ressortissants étrangers en France ».
Le rapport du parlementaire Matthias Fekl, remis le 14 mai au gouvernement, dresse un certain nombre de constats pertinents sur les obstacles rencontrés aujourd’hui par les personnes étrangères, notamment en ce qui concerne le respect de leurs droits en centre de rétention.
Faire valoir leurs droits auprès d’un juge lorsqu’ils sont menacés d’expulsion est en effet souvent une gageure.
Alors que tout citoyen français peut voir des années s’écouler avant que son procès n’aboutisse,l’étranger en instance d’expulsion n’a que 48 heures pour comprendre ce qui lui arrive, introduire son recours une justice expéditive en ayant éventuellement fait appel à un avocat, et réunir des documents pour faire valoir son droit de rester en France.
Le tout est jugé par un juge unique en 72 heures maximum.
Parallèlement, un autre juge est chargé de vérifier la régularité de la procédure de privation de liberté mise en œuvre par la police, de l’interpellation jusqu’aux droits exercés en rétention, en passant par la garde à vue ou la retenue.
Jusqu’en 2011, ce juge intervenait au terme de 48 heures, ce qui permettait de garantir un minimum le respect des libertés individuelles.
La loi Besson a repoussé cette intervention à cinq jours.
En 2012, ce sont ainsi 62% des expulsions qui ont été réalisées sans qu’aucun juge ne puisse contrôler la procédure.
Concrètement, l’audience d’une personne enfermée en rétention a tout d’une mascarade, expéditive et presque désopilante si l’on en oubliait l’enjeu.
Un ballet d’avocats choisis ou commis d’office, parfois néophytes face à des avocats de la préfecture plutôt rodés, des interprètes patientant des heures et des juges plus ou moins enclins à écouter la personne qui leur est présentée, utilisant un vocabulaire plus ou moins accessible non sans parfois user de rhétorique désobligeante et humiliante.
Mais heureusement au milieu de ce théâtre, certains avocats et juges consciencieux appliquent le droit.
Encore faut-il qu’ils soient saisis !
Le rapport Fekl préconise un retour du contrôle de la privation de liberté à 48 heures.
La Cimade dénonce depuis plusieurs années cette justice d’exception qui permet de servir une politique d’immigration qui compte ses expulsions, enferme ses travailleurs et sépare des familles.
Source : LA CIMADE, Crazette n°7, journal de rétention du Mesnil-Amelot, juin 2013.