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Référence ?
Méditerranée :
les naufrages meurtriers de migrants
ne sont pas une fatalité !
BOATS 4 PEOPLE - 16 avril 2015 http://www.boats4people.org/index.php/fr/actualite/communiques
400 personnes ont perdu la vie au large des côtes italiennes dans un naufrage survenu dimanche 12 avril 2015. Un drame qui surpasse celui d’octobre 2013 où 366 migrants s’étaient noyés près de Lampedusa.
Comment expliquer qu’un an et demi après cette tragédie de 2013, qui avait pourtant suscité l’indignation de l’Union Européenne (UE), des chefs d’États et de gouvernements, de tels drames se reproduisent ? Comment expliquer que l’année 2014 a été la plus meurtrière pour les migrants en Méditerranée, avec plus de 3 500 morts et disparus, soit cinq fois plus qu’en 2013 ?
Le nombre de personnes tentant la traversée de la Méditerranée a considérablement augmenté. Ils étaient plus de 200 000 en 2014 selon le HCR, soit trois fois plus qu’en 2011.
Ils fuient des pays comme l’Érythrée, la Syrie, la Libye ou encore la Palestine ; des zones de conflit ou des pays où les droits humains sont bafoués.
Dans ce contexte, il est indécent que les États européens continuent de se fixer comme objectif principal d’empêcher les personnes d’accéder à leur territoire avant celui de sauvetage et de protection. Il est inconcevable que les morts et disparus aux portes de l’Europe se banalisent, comme s’il s’agissait d’une fatalité.
En prétendant agir pour réduire les naufrages et sauver des vies, l’UE et ses États membres n’ont fait que verrouiller, avec la politique des visas, l’aide de l’agence Frontex ou du système de surveillance Eurosur, l’accès à leur territoire, notamment par la voie maritime, y compris à ceux qui ont besoin d’une protection et demandent l’asile.
Ainsi, en toute connaissance de cause, à la fin de l’opération italienne de sauvetage en mer Mare Nostrum fin 2013, l’UE et ses Etats membres dont l’Italie ont mis en place l’opération de surveillance des frontières Triton, coordonnée par Frontex, dont la mission première est de contrôler les « flux » et non de sauver des vies. Avec l’opération Mare Nostrum, l’Italie semblait avoir amorcé une approche différente, respectant ses obligations internationales en termes de sauvetage en mer. Cette approche aurait pu être déployée par l’ensemble des États membres, et des milliers de morts auraient ainsi été évitées.
Les chefs d’États et les instances européennes ne peuvent pas, en désignant les passeurs comme étant à l’origine des naufrages qui se produisent en Méditerranée, se défausser ainsi de leur responsabilité ; car les migrant.e.s ne recourraient pas aux services des passeurs s’ils pouvaient voyager de façon régulière. Celles et ceux qui montent à bord de fragiles embarcations pour traverser la mer sont celles et ceux à qui sont refusés des visas et le droit à circuler librement.
Il est urgent de changer radicalement l’orientation des politiques d’asile et d’immigration de l’UE, en fixant comme objectifs prioritaires le respect des droits des migrant.e.s et de l’obligation de secours en mer et l’accès des personnes en besoin de protection au territoire européen. Le droit à la liberté de circulation est une revendication que les traversées de la Méditerranée portent et continueront de porter ; il faudra bien que l’Union européenne finisse par l’entendre.
BOATS 4 PEOPLE
Coalition internationale née en 2011 en réaction à l’indifférence de l’UE et de ses États membres face à l’hécatombe de migrants en Méditerranée, mise en lumière par les très nombreux naufrages qui ont suivi les "printemps arabes".
Sa première année d’existence a été consacrée à la préparation de la traversée d’une flottille militante, qui a croisé entre l’Italie et la Tunisie en juillet 2012.
Ses objectifs :
-
construire un réseau d’organisations et de militant-e-s des deux rives de la Méditerranée et au-delà afin de combattre les politiques des États qui violent les droits humains des migrant-e-s en mer ;
-
organiser des missions en mer afin de documenter, dénoncer et prévenir les violations des droits des boat-people ;
-
mettre en évidence la responsabilité de l’UE et des États dans ces violations.
Membres : Une dizaine d’organisations françaises, italiennes, tunisiennes, marocaines, maliennes... Pour la plupart membres de Migreurop (voir ci-dessus).
LA MER POUR REFUGE
Claire TABOURET (1981- )
Claire-Tabouret-Embarcation de Migrants - 2011.
Portrait.
by orientenmigration
http://orientenmigration.wordpress.com/author/orientenmigration/
Les histoires racontées ici ne prétendent à aucune objectivité scientifique. Elles racontent des trajectoires de vie. Elles parlent de sentiment.
Pauline BRUCKER.
Une bière sur une terrasse ventée. Une de ces chaudes soirées.
Il me parle de parle de son envie de partir, qu’il m’a déjà tant évoquée.
Rejoindre l'Europe, mais pas la France car le visa y est difficile à obtenir ; mais ailleurs c’est possible. Ce qu’il voudrait c’est la nationalité. C’est ce qui rend le plus libre.
Il parle de partir en bateau, d’aller par la Libye.
Je lui rappelle les dangers, il dit qu’il sait.
La méditerranée, d’ailleurs, s’appelle la mer de la mort. Cela importe peu, parce que le plus grand danger est de rester ici.
En ce soir d’élections, il ne voit pas comment il pourrait rester sous un gouvernement comme celui de Sissi. Il n’y a rien pour lui ici, dans ces conditions.
Il me reparle de sa situation en Syrie, de ses opportunités d’alors, de son train de vie.
De n’être plus rien aujourd’hui. Juste débrouillard.
D’être arrivé ici avec 150 guinées et d’avoir réussi à avancer.
Il ne sait plus dans quelle direction il doit aller.
Il travaillait ici dans le commerce à son arrivée, avant d’abandonner son poste et de travailler pour une ONG de solidarité avec les réfugiés.
Il a d’autres propositions, on sait dans le milieu qu’il travaille bien, et beaucoup.
Mais la plupart des postes offerts sont des volontariats.
Ce qu’il ne peut pas se permettre.
Alors l’idée c’est de partir. De prendre un bateau.
Ce qui n’est pas le plus dangereux.
Ce qu'il redoute c’est le trajet jusqu’au bateau, surtout s’il faut passer par la Libye.
Il n’a pas encore de contact, mais ce n’est pas le plus difficile à trouver.
Ce qu’il faut en revanche, c’est 2500 dollars. Il sait qu’il y a environ 5 jours de traversée, mais il ne sait pas vers où.
Il connaît des gens qui l’ont faite et qui sont aujourd’hui en Europe du Nord.
Un des facteurs de motivation.
Il dit qu’il pourrait avoir des papiers en deux semaines, en Europe du Nord.
Il parle de l’Allemagne, de la Suède, de la Norvège.
Je lui rappelle qu’il existe des camps de rétention en Europe, et lui parle de Dublin II, qui oblige tout demandeur d’asile à faire sa demande dans son pays d’arrivée.
Il dit que cette loi existait mais plus maintenant.
Il dit qu’il sait que la vie n’est pas facile, mais qu’elle sera forcément meilleure.
Je pense à ces dires, qui influencent les parcours des uns et des autres. Peut on vraiment avoir des papiers aujourd’hui quand on est syrien en deux semaines ?
Je n’y crois pas.
Mais je ne peux plus le raisonner parce que résiste le besoin de construire quelque chose de solide ailleurs, qui est plus fort que tout.
S’il rentrait, il devrait joindre l’armée régulière ou alors serait alors très vraisemblablement incarcéré. Deux options sans espoir.
Ici, on parle d’eux comme des réfugiés, mais qu’est ce que ca veut dire, être réfugié ?
Il n’a droit à rien, pas même à une place dans cette société.
Il était venu attiré par les promesses de la révolution du 21 janvier, et la perspective de finir ses études ici.
La révolution n'a rien donné, la chute de Morsi a fait des syriens des intrus en Egypte.
Et les frais de scolarité ont quadruplé depuis la rentrée dernière.
Il lui faudrait alors rentrer à Damas pour récupérer son diplôme et passer ses derniers examens. C'est à dire l'impossible.
Déclassé socialement, il ne peut rester dans un pays où le seul statut légal auquel il ait droit le fasse replonger dans une spirale infernale.
Les réfugiés sont perçus comme les pauvres, ceux qui n’ont rien.
Poète, chercheur, intellectuel, il ne peut l’accepter.
Le statut, légal ou social, n'est que rabaissement.
Comme dans tous les pays arabes.
Il dénonce l’arabisme comme hypocrisie discursive qui ne se retrouve dans aucune pratique.
Alors l’Europe, oui.
Parce que c’est le seul endroit où le statut donne réellement accès à des droits.
Je ne dis plus rien. Je ne veux plus parler du danger, je ne veux plus le dissuader.
Je me trouve à faire le jeu de ces pays européens qui se barricadent et enferment les frondeurs pour dissuader les autres.
Il faudrait donc continuer à braver les interdits. Mais à quel prix ?
Le prix n’a pas d’importance me dit il. Ma vie n’a plus de prix.
Je peux mourir ici, je peux mourir en Syrie.
Je peux mourir sur la mer. Je peux mourir là bas.
La seule chose que je peux faire, c’est d’essayer de vivre. De vivre ailleurs.
Dans six mois, son passeport expirera pour la deuxième fois.
Quand il est allé le refaire, la semaine dernière, on lui a indiqué qu’il ne serait valide que six mois.
Qu’après il faudrait rentrer, rentrer pour se battre car sa place est là bas.
L’ambassade syrienne fait du prosélytisme. Peu lui importe.
De toute façon il n’a plus de permis de résidence égyptien depuis longtemps.
Mais cela lui donne le début d’un plan. Six mois.
Six mois pour établir une stratégie.
Et mettre les voiles.