UN VISA MEURTRIER
Le 18 janvier 1995, après des siècles de libre circulation entre la Grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte (les 4 îles de l'archipel des Comores), le gouvernement Balladur décide d'instaurer un visa aux conditions draconiennes pour entrer sur l'île de Mayotte. Une frontière est née et une catégorie de personnes étrangères et indésirables (les voisin-e-s comorien-ne-s) est créée. Au péril de leur vie, les Comorien-ne-s et les personnes venues notamment de l'Afrique des grands lacs et de Madagascar, tentent la traversée maritime à bord d'embarcations de fortune, les « kwassa-kwassa ». Par cette politique criminelle, on dénombre depuis 1995 plus de 10 000 mort-e-s au large des côtes mahoraises, faisant de ce bras de mer de 70 km entre l'île d'Anjouan et Mayotte l'un des plus importants cimetières marins au monde ! Le 3 février 2016 dernier, un nouveau naufrage d'un kwassa-kwassa faisait trois victimes supplémentaires dans une indifférence médiatique et publique quasi-générale.
DES LOIS D'EXCEPTION HÉRITÉES DE LA COLONISATION
Ce visa criminel n'est pas la seule arme déployée à Mayotte pour « lutter contre l'immigration illégale » et par la même distiller de plus en plus un sentiment nationaliste d'appartenance à l'entité française. La peur et la criminalisation de l'autre reste là-bas comme ici le terreau fertile au développement des mouvements nationalistes et identitaires.
Comme dans les autres territoires ultra-marins, la France s'applique également à mettre en place des lois d'exception qui ne sont pas sans rappeler celles qui administraient les colonies françaises. La question migratoire n'échappe pas à ces dérogations. En effet, le Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile (Ceseda), qui s'applique depuis peu à Mayotte, entérine nombre d'exceptions et favorise l'arbitraire et les reconduites expresses au mépris des droits fondamentaux (le droit au recours contre une mesure d'éloignement n'est pas effectif à Mayotte comme en Guyane d'ailleurs). La rétention des mineur-e-s reste, elle, tolérée puisque chaque année, ce sont plus de 5 000 mineur-e-s étranger-e-s, parfois mineur-e-s isolé-e-s, qui passent par les geôles du centre ou des locaux de rétention administrative de l'île. Lexistence de titres de séjour spécifiques à Mayotte ou d'autorisations de travail limitées au territoire mahorais (comme dans nombre de départements ultra-marins) est une autre facette de ces lois d'exception. C'est également la traduction de la volonté de cantonner les migrant-e-s présent-e-s en outre-mer à ces territoires considérés comme les portes les plus proches des pays d'émigration (telles les enclaves espagnoles Ceuta et Melilla).
En appliquant des lois différentes selon ses territoires et en justifiant cette rupture par des considérations sociales, ethniques ou géographiques particulières, la France perpétue une approche colonialiste et raciste de l'administration des territoires et des populations ultramarines.
La FASTI dénonce les lois d'exception
dont celles régissant le droit des étranger-e-s applicable à Mayotte
UNE MACHINE À EXPULSER
Les lois d'exception, les opérations de police et de gendarmerie donnant souvent lieu à de véritables rafles, le déploiement des moyens de surveillance des eaux mahoraises (3 vedettes rapides, un hélicoptère et 4 radars terrestres) et les arraisonnements réguliers d'embarcations permettent à la France d'établir des chiffres records d'expulsions. Ainsi en 2014, l'île comptabilisait 19 991 reconduites contre 15 161 pour la France métropolitaine soit 4 830 expulsions de plus pour un territoire 200 fois plus petit et 300 fois moins peuplé ! Depuis le mois de janvier 2016, plus de 2 200 personnes ont été expulsées de Mayotte, soit 71 personnes chaque jour, ce qui fait du territoire mahorais le triste champion en la matière !
Une véritable machine à expulser est en place à Mayotte. Une machine dont l'efficacité est nulle puisque cet acharnement n'a en rien dissuadé ces mouvements de population séculaires et familiaux pour la majorité. A n'en pas douter, Mayotte sert de laboratoire d'expérimentation des politiques migratoires répressives françaises et européennes.
La FASTI condamne ces mépris flagrants des droits fondamentaux, cette politique xénophobe du chiffre toujours en cours à Mayotte et ailleurs.
LA FASTI RAPPELLE SON ATTACHEMENT À L'OUVERTURE DES FRONTIÈRES, À LA LIBRE CIRCULATION
ET LA LIBRE INSTALLATION SEULE SOLUTION POUR ENDIGUER LES DRAMES AUX FRONTIÈRES ET SEUL PRÉALABLE À L'ÉGALITÉ RÉELLE DE TOU-TE-S
FASTI / Commission Nord/Suds / wwwfasti.org
http://www.migreurop.org/article2561.html
1995-2015 : des milliers de mort-e-s
au large de MAYOTTE.
Le 18 janvier 1995, le gouvernement Balladur décidait d'entraver la circulation des personnes dans l'archipel des Comores en imposant un visa d'entrée à Mayotte aux habitant·e·s des trois autres îles comoriennes (Mohéli, Anjouan, Grande Comore).
Ainsi se concrétisait l'isolement de l'île de Mayotte détachée vingt ans plus tôt de l’État indépendant de l’Union des Comores à la suite d'une décision unilatérale française contestée par les Nations unies.
Depuis des siècles, des petites embarcations dénommées « kwassas » allaient d'une île à l'autre tissant ainsi entre leurs populations d’importants liens sociaux, familiaux et professionnels : aucune frontière ne peut effacer de tels liens.
Or, avec le « visa Balladur » ces voisins comoriens sont devenus des « étrangers » potentiellement « clandestins » s'ils/elles persistent à circuler dans leur archipel commun.
Depuis, par une véritable militarisation du contrôle des frontières- navires armés, radars, hélicoptères, etc. -, Mayotte est érigée en forteresse hostile à la plupart des personnes cherchant à la rejoindre : comorien·ne·s mais aussi malgaches ou exilé.e.s originaires des pays de l’Afrique des grands lacs. Ce dispositif n'a pas stoppé les déplacements ou les retours consécutifs à une expulsion vers Mayotte, mais a eu pour conséquence directe la mort en mer de milliers de personnes.
Que ce soit dans l'archipel des Comores ou dans l’espace méditerranéen, la politique menée par la France et l’Union européenne poursuit le même objectif : rendre les frontières toujours plus infranchissables en livrant une véritable guerre aux personnes déclarées indésirables au mépris des droits fondamentaux.
Les instruments et les effets de cette politique à Mayotte sont moins connus mais largement comparables à ceux observés en Méditerranée :
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des moyens policiers et militaires exceptionnels sont déployés ;
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empêchées de pénétrer sur le sol mahorais légalement, les personnes migrantes sont contraintes d’emprunter des routes toujours plus longues et dangereuses ;
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poursuivies sur terre ou au large de Mayotte, ces personnes sont victimes d’une politique de harcèlement, d’enfermement et d’expulsion massive;
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une coopération franco-comorienne déjà amorcée vise officiellement à « mettre un terme aux drames en mer dans l’archipel » mais en fait à déléguer et externaliser le contrôle des frontières à l’État comorien.
Un accord de « circulation », semblable à la dizaine d’accords migratoires signés avec des États dits d’origine et de transit, est en cours de négociation entre l’État français et l’État comorien. Si l’État comorien le signe, cela aura pour conséquences de renforcer l’assignation à résidence d’une très large partie de la population comorienne jugée indésirable à Mayotte.
Les conséquences des politiques anti-migratoires menées par la France et l’Union européenne dans l'océan Indien : la tentative de transformer Mayotte en forteresse coupée de son environnement économique et culturel est la cause d’une véritable hécatombe silencieuse.