Droits des étrangers : Lettre-pétition aux parlementaires
Droits des étrangers : Contre l'enfermement, l'expulsion et la réduction des droits, pour une réelle réforme du CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), nous vous appelons à signer le texte ci-joint de remarques, critiques et propositions que nous adressons aux parlementaires, projet de loi qui va être débattu à l'assemblée nationale.
A l’Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, nous rencontrons les étrangers enfermés au
Centre de Rétention Administrative avant bien souvent qu'ils ne soient expulsés. Nous côtoyons ainsi des hommes dont les familles, les destinées se trouvent brisées. Nous sommes donc
particulièrement sensibles à leur situation et aux droits qui régissent leur séjour dans notre pays.
Depuis le changement de gouvernement en 2012 nous attendions avec espoir un nouveau dispositif réformant le CESEDA, revenant notamment sur la loi Besson de 2011, mais il n’en est rien; le projet
de loi, qui va être discuté à l'Assemblée, ne prend même pas en compteles orientations suggérées par le rapport du député Matthias Fekl de 2013 pour
«sécuriser les parcours» des personnes étrangères en France.
Destrois priorités mises en avant dans ce rapport :
- renforcer le droit à séjourner des personnes migrantes ayant vocation à vivre en France, - améliorer les conditions d’accueil en préfecture,
- rétablir des modalités équitables de contrôle par le juge de la procédure de rétention administrative le projet de réforme n’en retient aucune. Si le rapport Fekl, en recommandant la mise en place d’un titre de séjour pluriannuel, restait bien en deçà des préconisations de nos organisations visant à rétablir la généralisation de la délivrance de la carte de résident de dix ans(seul dispositif susceptible de garantir aux personnes durablement établies en France le droit à y demeurer sans crainte de l’avenir), il indiquait cependant des pistes pour faire reculer la précarisation qui caractérise le statut des étrangères et des étrangers. Elles n’ont pas été suivies.
En outre la durée maximale de la rétention passée au fil des réformes de 7 à 45 jours, n'est pas remise en question dans le projet de loi tandis que tous les observateurs constatent que cela génère beaucoup de souffrance pour très peu d'expulsions supplémentaires.
Nous demandons -la remise en question du délai de rétention ainsi que l'abrogation des tests osseuxcontre lesquels sélève une grande partie de la communauté scientifique.
Nous vous adressons ci-joint un texte reprenant les principales remarques, critiques et propositions sur ce dispositif, texte que nous venons d'envoyer aux Parlementaires de l'Essonne.
Nous vous proposons de vous associer à notre démarche en signant le texte ci-dessous ; nous adresserons nos signatures à l'ensemble des parlementaires.
L'Observatoire Citoyen du Cra de Palaiseau
Avec le soutien de la LDH 91, LDH Evry, LDH Orsay, LDH Antony, ASEFRR (Association de Solidarité en Essonne avec les familles Roms et Roumaines), RESF 91, RESF Les Ulis, ASTI Les Ulis, MRAP Morsang -sur -Orge, LVN/Val-de-Bièvres, VOX POP ULIS
Remarques, critiques et propositions concernant
le projet de loi relatif aux droits des étrangers en France
En ce qui concerne les primo-arrivants, le nouveau dispositif inverse la logique d'intégration du législateur de 1984, pour qui la garantie de stabilité était de nature à faciliter l'insertion. Dans le texte présenté, le demandeur doit d'abord répondre à des critères d'insertion pour obtenir un titre de séjour.
Nous demandons que le dispositif d'accompagnement soit proposé et non imposé et que l'obtention d'un titre de séjour ne soit pas conditionné à la réussite de tests (linguistiques, civiques...). Dans bien des cas les formations ne peuvent être suivies en raison de l’emploi du temps des personnes concernées (travail, obligations familiales, précarité).
Le nouveau dispositif prévoit que, concernant les étrangers malades, l'évaluation médicale soit confiée à l'OFI, lié au contrôle des flux migratoires et sous tutelle du ministère de l'intérieur.
Nous demandons que cette évaluation continue d'être confiée aux ARS (Agences Régionales de Santé).
Le nouveau dispositif complique encore l'accès aux cartes de séjour qu'il multiplie : cartes temporaires d'un an, cartes pluriannuelles (2 ans, 4 ans, 10 ans). Loin de désengorger/ désengager les guichets, objectif pourtant affiché par le gouvernement, ce dispositif va renforcer la bureaucratie. Par ailleurs, sa délivrance donne lieu à un important dispositif de contrôle pouvant entraîner le retrait de la carte et donc le droit de séjourner en France.
Nous demandons de revenir à la délivrance de la carte de résident pour les migrants ayant vocation à vivre en France et ayant acquis le droit d’y séjourner. Nous demandons également que la carte pluriannuelle puisse déboucher sur la carte de résident.
Nous constatons que les conditions de régularisation de la circulaire du 28 novembre 2012, être entré(e) en France avant l’âge de 16 ans, apporter la preuve d’un parcours scolaire sérieux et assidu, ou être engagé dans une formation professionnelle qualifiante, être confié à l’ASE, vivre avec l’un de ses parents (père / mère) en situation régulière, ne s’appliquent pas à la grande majorité des lycéens sans papiers qui, à leur majorité, deviennent sans papiers ou reçoivent une obligation de quitter le territoire français ou obtiennent un titre étudiant inadapté à la situation de jeunes venus construire leur vie en France. Ce titre étudiant est d’autant plus inadapté qu’il est souvent délivré à des élèves de lycées professionnels qui arrivent quelques mois plus tard sur le marché du travail.
Nous demandons que tous les lycéens scolarisés ou l’ayant été obtiennent de droit à 18 ans un titre de séjour pérenne, du type vie privée et familiale.
Les montants des taxes exorbitantes dont doivent s’affranchir les personnes étrangères au moment de la délivrance et du renouvellement de leur titre ne sont pas remis en cause. Il peut s’agir de 600 euros, dont 50 euros à acquitter au moment du dépôt du dossier à la préfecture et non remboursés même si la demande est refusée.
Nous demandons que comme solliciter un titre de séjour est une obligation légale et non une simple possibilité pour les personnes étrangères en France, le montant des taxes ne constitue pas un obstacle important à l’accès à un titre de séjour et soit donc levé.
L'article 14 prévoit que les demandeurs d'asile déboutés se voient dans l'obligation de quitter le territoire (OQTF) sans possibilité de demander un titre de séjour ou un autre titre. Le texte prévoit également que le délai de recours passe de 30 à 7 jours ce qui le rend inefficace.
Nous demandons que les durées de recours soient suffisantes pour en permettre l'effectivité.
L'article 15 relatif à l’éloignement des ressortissants communautaires, remet en cause la liberté de circuler sur le territoire français, pourtant « liberté fondamentale », puisqu'il prévoit la possibilité d’assortir l’obligation de quitter le territoire français frappant un-e ressortissant-e communautaire d'une interdiction de circulation sur ce territoire d'une durée maximale de trois ans. Cette mesure n’aurait pas été pensée « pour les Roms », selon le ministère de l’Intérieur. Si la France devait adopter une telle mesure d’interdiction de circuler, elle serait à «l’avant-garde» répressive de l’Union européenne, aucun autre État membre ne l’ayant pour l’heure prévue. Il s'agirait ainsi de l'atteinte maximale portée à l'exercice d'un droit qualifié tant par la Cour de justice de l'Union européenne que par le Parlement européen de «liberté fondamentale», ne pouvant être limitée que de manière restrictive.
Nous demandons le retrait de cette mesure.
L'article 16 prévoit un développement de l'assignation à résidence (AAR) qui, contrairement à ce qui est annoncé, ne vise ni à réduire ni à supprimer la rétention. Le projet permettrait aux préfectures de disposer du maximum de souplesse dans l’utilisation des différentes mesures de contrainte en élargissant le domaine de l’AAR et en facilitant le passage de l’AAR à la rétention et vice-versa.
Nous demandons que les mesures de contraintes ne puissent s'enchaîner pendant des mois, voire des années.
Pour les articles concernant l'Outre-mer : il y sévit un régime d’exception, qui prévoit une protection juridique au rabais comparée à celle applicable en métropole. Ainsi, alors que le Ceseda s’applique dans les départements d'outre-mer (DOM), des dérogations sont prévues dans ces territoires afin de limiter les possibilités d’accès au juge des étrangers et des étrangères sous le coup d’une mesure d’éloignement, de doter les forces de l’ordre de moyens spéciaux pour les interpeller et dissuader celles et ceux qui les aident. Le projet de loi reprend, voire étend le champ de ces exceptions d’une part et introduit quelques garanties très largement insuffisantes.
Nous demandons que le même droit s'applique en Outre-mer comme sur le reste du territoire français: aucun territoire, fusse-t-il éloigné de la métropole ne doit subir de «droit dérogatoire».
L'article 25 prévoit des échanges automatiques d'information entre préfectures et administrations (établissements scolaires, sécurité sociale, impôts, accès internet..) dans le cadre de l’instruction des demandes de titre de séjour. Le projet de loi met en place un dispositif de contrôle jamais imaginé jusqu’alors en dehors du droit des étrangers, interrogeant le respect de la vie privée et de la déontologie professionnelle des travailleurs sociaux. Si elle devait être adoptée, cette mesure ne manquerait pas d’entraîner, en plus d'un alourdissement des procédures (et son lot de tracasseries administratives), des retraits de titre ou des refus de délivrance, sans oublier le risque que les personnes se détournent de certains services.
Nous demandons le retrait de cet article.
En laissant inchangé le délai de 5 jours imparti à l'administration pour saisir le JLD, le projet de loi ne favorise pas le contrôle du juge et permet de voir perdurer la multiplication des reconduites à la frontière avant toute présentation au juge institué gardien de la liberté et, ce faisant, il passe par pertes et profits les «exigences de l’État de droit»
Nous demandons un contrôle juridictionnel effectif dans un délai très bref après le début de la rétention.