Une clotûre barbelée de 3 mètres de haut sépare désormais le camp de Roms de Lille-sud des voies SNCF, pour empêcher toute traversée.
Le trafic des trains était régulièrement perturbé à cause des fréquents passages de piétons sur ces voies.
Efficace.
lettre ouverte à Jean-Marc Ayrault
Paris, le 18 mars 2013
Monsieur le Premier ministre,
Le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, la FNARS, la Fondation Abbé Pierre, EmmaüsFrance, ATD Quart-Monde, et l’Association des Cités du Secours Catholique souhaitent vous exprimer leur indignation face aux récentes déclarations du ministre de l'Intérieur annonçant la reprise des « démantèlements » de bidonvilles au motif que leurs occupants refuseraient de s'insérer en France.
Ces propos nous paraissent particulièrement choquants et contraires aux engagements de campagne du Président de la République ainsi qu'à la mission que vous avez confiée au Préfet Alain Régnier,délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, visant à organiser un accompagnement global de ces situations, en recherchant avec les services de l’Etat, les collectivités territoriales et les associations, des solutions dignes et des perspectives d'insertion.
Cette orientation strictement répressive, qui a déjà démontré dans le passé son inefficacité, nous semble également éloignée de la position que vous aviez exprimée sur ce sujet à l'occasion de notre dernière rencontre.
Ces déclarations traduisent une méconnaissance profonde des conditions de vie et de misère extrême de ces personnes souvent victimes de discrimination dans leurs pays d'origine, pourtant membres de l'Union Européenne. Comment peut-on en effet affirmer que ces personnes refusent de s'insérer en France, alors que l'accès à l'emploi et au logement social leur est actuellement interdit et que certains maires vont jusqu'à s'opposer à la scolarisation des enfants ?
Nous ne sous-évaluons pas les difficultés posées par l'installation de ces bidonvilles, dont la concentration sur quelques départements provoque des réactions d'hostilité, trop souvent instrumentalisées, voire nourries par des élus locaux.
Nous considérons cependant que la stigmatisation de ces familles particulièrement démunies par un membre de votre gouvernement, en attisant les réactions de rejet, est contraire aux valeurs de la République.
Désigner une population par son origine ethnique est inacceptable et contraire aux principes de notre Constitution, c’est aussi méconnaître le fait que de nombreuses familles présentes dans les bidonvilles sont en France depuis longtemps, contrairement à l'idée véhiculée par le discours du ministre de l’Intérieur.
Cette stigmatisation compromet par ailleurs gravement les perspectives d'intégration de ces personnes qui devraient disposer du libre accès au marché du travail dans notre pays.
Dans ce contexte particulièrement inquiétant les associations craignent une accélération des évacuations de bidonvilles sans solution et sollicitent une rencontre pour évoquer avec vous la situation de ces personnes et les orientations de l'Etat permettant de répondre à cette urgence humanitaire.
A l'approche de la fin du plan hivernal, les associations sont pleinement mobilisées pour défendre le principe d'accueil inconditionnel de toute personne sans abri qui sollicite une prise en charge ainsi que l'application effective de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 prévoyant un diagnosticsanitaire et social et des solutions d'hébergement ou de logement pérennes avant toute opération d'évacuation de bidonville.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre,
l’expression de notre très haute considération.
La FNARS
La Fondation Abbé Pierre
Emmaüs France
ATD Quart-Monde
L’Association des Cités du Secours Catholique
Alors que la circulaire du 26 août 2012
prévoit l’anticipation et l’accompagnement
des opérations d’évacuation
des campements illicites,
les expulsions de populations précaires installées dans des bidonvilles se multiplient, sans qu’aucune mesure prévue par la circulaire
ne soit appliquée.
Depuis le début de l’année, au moins trois camps dans lesquels Médecins du Monde travaillait ont été évacués sans proposition de relogement : le 26 février à Bordeaux, le 8 mars à St Denis et le 19 mars à La Courneuve.
La situation préoccupante dans le camp de La Courneuve avait pourtant été signalée dès le 11 février par une lettre de Médecins du Monde envoyée aux différents acteurs locaux et nationaux, notamment la préfecture et la DIHAL (délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement). MdM y soulignait les conditions de vie alarmantes des 250 personnes installées dans le camp, et plus particulièrement :
- Une absence d’approvisionnement en eau et de ramassage des ordures entraînant des conditions d’hygiène dramatiques
- Des cas de pathologies lourdes et de handicaps nécessitant un suivi médical constant
- Des barrières administratives rencontrées par ces personnes pour accéder à leurs droits fondamentaux, notamment en matière d’accès aux soins
- Les risques sanitaires liés à une menace d’expulsion imminente sans alternative au relogement pérenne pour une population déjà très vulnérable : rupture de soins, aggravation des pathologies, mise à la rue
Médecins du Monde n’a reçu aucune réponse à cette lettre, malgré des relances. L’expulsion du camp de la Courneuve a eu lieu sans aucun diagnostic préalable ni proposition de relogement : la totalité des 250 personnes vivant sur ce terrain ont été laissées à la rue, malgré la présence de personnes extrêmement vulnérables et vivant déjà dans une grande précarité.
Parmi elles, des enfants, dont certains handicapés, de nombreuses femmes enceintes, et des adultes souffrant de pathologies chroniques sévères nécessitant un traitement et un suivi régulier.
Médecins du Monde a relogé dans l’urgence 3 familles qui présentaient une vulnérabilité sanitaire majeure.
Les conséquences de cette expulsion sont inquiétantes : impossibilité de poursuivre le suivi médical des enfants atteints de handicap moteur, d’épilepsie ou de méningite, aggravation de la vulnérabilité des familles, dégradation brutale des conditions de vie et de santé des personnes.
Médecins du Monde constate qu’aucun changement n’est intervenu dans plusieurs départements depuis cette circulaire, et que la politique de harcèlement et de stigmatisation des populations roms se poursuit, au mépris de leur santé et des enjeux de santé publique.
Les concertations impliquant associations et acteurs locaux pour construire un diagnostic sur la situation des camps ne sont pas prises en compte et les décisions d’expulsions se font en dehors de ce processus.
Médecins du Monde demande la mise en application du volet prévention de la circulaire du 26 août 2012 qui doit mettre fin aux expulsions brutales, sans alternative de relogement ni accompagnement.
MdM réclame le respect de la dynamique de concertation préalable avant toute expulsion.